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Marihanama
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18 décembre 2022

Le cesna stone

 

 

Ni nager sous les yeux horribles des pontons,*
A voir couler l’eau sale et transporter les drames ;
Rapide aux mille éclairs plus vifs que les photons
A flasher la photo des pixels et des trames,

J’escaladais l’écume, au loin, le virelai,
Ces strophes au cordeau, -comme l’amphore cache
Un diamant serti d’un argent ampoulé,
Pondait une sottise et s’annonçait la drache :

Des tonnes de flocons feulaient, c’était l’Enfer !
-Racine en profitait, l’heure était aux offrandes-
Et les serpents sifflaient juste au-dessus d’un ver
De Terre, Ô celle qui fut digne d’amarantes,

Parfois, quelques trous d’eau nous envolaient le cœur
Loin de sa destinée, ils nous faisaient dociles
A se laisser bercer par la douce langueur
De la cheville et de ses souplesses faciles.

Emus par tant de flots, dans d’autres alphabets,
Eussions-nous pu verdir juste un instant les feues
Victimes d’une vie –Et reposez en paix-
Vous n’imaginez pas la longueur de ces queues !

Dans ces vastes couloirs, sur ces fastes trottoirs,
C’est foire à la lumière –éblouissantes criques-
On jette l’eau du bain rougie aux dépotoirs,
On s’y montre l’I-phone en cyniques critiques,

Au suivant ! mais plus vite, - hein ? comment ? Obsolètes,
Sont déjà mes applis, Mon Fournisseur, c’est dur !
- Il n’est point de soucis, vos banques sont honnêtes,
Nous vous réabonnons, votre laxisme est sûr.

J’allais, donc rassuré, surconsommer, tu penses !
Mis dans mon corps un peu de poudre albe, un boisseau,
Jumpais sous les sunlights et me frottais aux panses
De cent guépardes qui me déchiraient la peau,

Sur leur épaule étaient tatoués des ocelles,
Un khôl luisait sous eux et les filait oblongs,
Ces amandes se liaient au vol d’hirondelles
Et scrutaient le raffut que faisaient les coulons ;

A traverser ainsi les toundras et les faunes,
A s’acoquiner des vermines et des poux,
A s’extirper de la ténacité des launes,
Sur un îlot, mis fin à cet idiot courroux.

Sur ce motu paisible, il était des parades
De laticaudas noir et bleu, représentants
De tous les reptiles des anses et des rades
Qui, sur la côte, esquissaient des arcs éclatants.

J’y cueillais les cassis, j’y ramassais les fraises,
Le visage adouci du rose des airains
Que le nickel reflétait depuis les falaises
Et se mélangeait aux pacifiques embruns,

Entouré de houris, si belles et feignasses,
A se prélasser sous leur paréo flottant,
Bien que tu les chérisses, que tu les aimasses
Il te fallut t’envoler encor mais, pourtant…

Insatisfait toujours à voir les tristes rides
S’assécher au petit matin, ces décors beaux
Ne me suffisaient plus, d’autres éphémérides
Croissaient au ciboulot, je cherchais d’autres eaux.

Dans un Shangri-La, haut, s’alignaient des prairies
Des monceaux de fraicheur au mitan des massifs
Que traversaient les rus, sous des intempéries,
Dévastateurs typhons qui nous rendaient passifs,

L’on sortait seulement durant les accalmies
Pour appâter la ligne et régler les flotteurs,
Les tanches et les perches semblaient nos amies,
Et d’elles, l’on dinait, le soir, près des conteurs :

Ils nous narraient en vers, en quatrains, en distiques,
Une infinie histoire où tant de feu-follets,
Lampyres dans la nuit, des phares extatiques,
Nous offraient le chemin de merveilleux bolets,

Quand ricanait le geai, roucoulaient les palombes,
Que l’agache exposait son lustre bleu mais noir,
L’on se rayait du monde et de ses hécatombes,
On inversait le sort et son bête entonnoir,

L’on se lissait la plume et sous l’aile, les ires
Se délitaient en farce en se noyant au gour
Souterrain, pile au fond de tendres tirelires
Nous immiscions notre axe en cet opportun four,

Lors, hurlait l’étymon et s’entendait le lemme
Au travers du calcaire et de l’iridescent
Granit ; c’est un charron, très étrange phloème,
Qui mena notre cri, bestial, presque indécent,

Au bord de la torsion, au bord de la cassure,
Comme une George Sand aux notes de Chopin ;
C’était une torture, aguichante blessure,
Partition dérisoire inscrite au calepin

Qui réveillait les sangs et des desseins, leurs hymnes,
Et quand la colombine animait les grelots
De quelque Arlequin fou, nous réveillaient les rimes,
En poupins, hurlions-nous nos borborygmes, rots.

Au travers des chênaies, au travers des hêtrées,
Bien avant de tomber dans l’oubli des avens,
Muché dans ma parka, face aux plus forts borées,
J’emmenais mes dragons près de mes plus beaux faons ;

L’on négligeait les ors des plus brillants palais,
L’on ne regardait pas leurs pitoyables cages,
Nos cils, cache-misère, issaient, ces fiers balais,
Cette poussière indue aux frêles marécages.

Comme je remontais des rimes impossibles,
Je me sentais vidé mais empli de chaleurs
Et si mes intentions sont souvent illisibles,
Que béni soit Rimbaud, l’un des plus beaux voileurs.


* Dernier vers du Bateau ivre, Rimbaud.

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